René Gangloff 1900 - 1945

Né(e) 5.6.1900 à Jarville
Décédé(e) 30.1.1945 à Gusen

Biographie

Gangloff René, né le 5 juin 1900 à Jarville (Meurthe-et-Moselle), militant communiste et secrétaire du comité du Secours Populaire de Champigneulles sous le Front populaire ; en contact avec le groupe de Marcel Simon à partir de l’été 1942 ; arrêté le 3 juin 1943 par la XVème brigade mobile de Nancy, transféré à la SIPO und SD le 11 juin ; déporté NN le 11 octobre 1943 à Mauthausen ; décédé à Gusen le 30 janvier 1945.

La famille de Gangloff René originaire de Moselle a opté pour la France après l’annexion allemande de 1870. Dans le recensement de 1901, les membres de la famille sont mentionnés « A.L. », Alsaciens-Lorrains. Elle se composait de Julien Ganglof né en 1871 à Gondrexange, un village de l’arrondissement de Sarrebourg, de son épouse Marie née Brisset née à Bebing, un très petit village situé non loin de Sarrebourg en 1875. Il exerçait le métier de charpentier et avait deux enfants, Jeanne Marie née à Laneuveville-devant-les-Nancy en 1897 et René.  Ils résidaient au n° 2, rue du Port à Jarville. En 1906, la famille était installée au n° 3 de la route de Frouard à Champigneulles et s’était agrandie d’une petite Yvonne née en 1902 à Jarville. Une autre fille prénommée Léa naquit en 1910 à Champigneulles. René fit donc ses classes primaires à Champigneulles. Nous ignorons ce que devint la famille pendant la guerre ; elle ne résidait pas à Champigneulles selon le recensement de 1921.

Le 26 mai 1926, René Gangloff épousa à Champigneulles Irma Walbrecq née à Rouen en 1907. La famille résida au n° 43, rue de Nancy (au n° 9, d’après une source policière). Il exerçait la profession de charpentier. Six enfants naquirent, un septième étant attendu en juin 1943 au moment de son arrestation. Il connut une période de chômage, le recensement d’avril 1936 le désignant « ouvrier au chômage ».

En décembre 1931, René, avec deux autres camarades, est arrêté pour "entrave à la liberté de travail" lors de la révolte des chômeurs astreints à travailler à l'écluse de Clévant de Frouard.

Le tribunal d'instance de Nancy, par le jugement du 18 décembre 1931, condamne solidairement René Gangloff et ses deux camarades à 15 jours d'emprisonnement pour avoir "tenté d'emmener la cessation du travail de divers ouvriers occupés sur la route de Liverdun".

René, comme la plupart des ouvriers de Champigneulles, adhéra à la CGT en 1936 – la ville comptait 1764 syndiqués en 1937 sur une population industrielle active totale de 1640 ouvriers – ainsi qu’au Parti communiste.  En 1937, il fut élu secrétaire du comité local du Secours Populaire Français dirigé par Henri Heu. Cette activité militante lui fit côtoyer d’autres militants tels René Becker, les frères Charles et Laurent Oberlin.

René Gangloff  fut contacté en avril 1942 par Charles Oberlin, dont la famille habitait Champigneulles et avec qui il militait avant la guerre. Ce dernier hébergeait épisodiquement chez lui des membres du T.P. recherchés comme Marcel Simon, le chef militaire régional des FTP, Edouard Marchewska et Laurent Oberlin, son frère. Il hébergeait aussi depuis juillet 1942 Boleslaw Nadany, qui avait échappé au démantèlement de son groupe à Dombasle-Varangéville le 11 avril 1942. René Gangloff eut aussi des contacts avec Marcel Simon. Après le 8 janvier 1943, date à laquelle un important sabotage fut effectué en gare de triage de Champigneulles, le groupe de T.P. constitué par Marcel Simon fut démantelé par les policiers de la XVème brigade mobile de police judiciaire de Nancy. En mai 1943, un second groupe qu’il avait constitué fut démantelé, après que Marcel Simon fût abattu le 11 mai par les policiers de la XVème brigade en forêt de Haye près de Nancy.

René Gangloff fut arrêté le 3 juin par ces policiers, à la suite de l’audition de la fille aînée de Charles Oberlin, une adolescente de quinze ans. Elle affirma d’abord qu’il aurait « servi d’agent de liaison » à Marcel Simon puis se rétracta, reconnaissant « avoir imaginé de toutes pièces ses premières déclarations. » Interrogé par le chef de la section anticommuniste de la XVème brigade, le commissaire Lucien Bascou, René Gangloff déclara connaître Charles Oberlin, qui avait été arrêté le 9 février à Dompcevrin en Meuse. Il s’en tint là. Le commissaire Bascou concluait ainsi son rapport du 4 juin au chef du SRPJ à Nancy : « P.S. : En ce qui concerne le nommé GANGLOF qui reconnaît avoir il y a 10 mois, reçu des propositions de la part d’OBERLIN Charles en vue de participer à une distribution de tracts, qui reconnaît, en outre, avoir à plusieurs reprises rencontré le nommé SIMON Marcel alors que ce dernier était recherché pour divers actes de terrorisme, et qui, en raison de ses anciennes attaches avec le parti communiste s’est abstenu de dénoncer OBERLIN et SIMON, j’estime qu’un internement administratif d’une durée d’1 mois serait une sanction suffisante. » Une mention manuscrite au crayon rouge était ajoutée : « 7 enfants dont 6 vivants. Femme enceinte de 8 mois. 15 jours pour l’exemple, plus que pour son amendement. » Le chef du Service Régional de Police Judiciaire, le commissaire divisionnaire Charles Courrier, suivit les suggestions de Bascou et proposa au préfet régional Jean Schmidt « pour le nommé Gangloff qui n’a pas signalé Oberlin et Simon, un mois d’internement. 15 jours me paraissent suffisants compte tenu de ce qu’il est père de 6 enfants et que sa femme en attend un septième. » Le préfet suivit cet avis. L’arrêté préfectoral, signé le 5 juin,  mentionne un internement de l’intéressé au camp d’Écrouves, pour 15 jours, au motif qu’« il n’a pas signalé la présence d’un individu dangereux qu’il savait recherché  par la Police. » Un arrêté de libération daté du même jour fut signé par le préfet régional : « Le susnommé sera remis en liberté au bout du délai de 15 jours à dater du jour de son internement. »

René Gangloff entra au camp d’Écrouves le jour même, le 5 juin 1943, avec le n° d’ordre 2174, qualifié de « communiste » par l’administration du camp. Le 11 juin, les autorités allemandes s’en saisirent et l’emprisonnèrent au quartier allemand de la prison Charles III à Nancy. Le kommandeur du SIPO et du SD décida de sa déportation Nuit et brouillard. Le 7 octobre, il fut transféré au fort de Romainville. Le 11, dans un convoi comprenant 45 déportés NN dont 9  de ses camarades du groupe Simon, il fut déporté au camp de Sarrebruck-Neue Bremm puis le 16 octobre, au camp de Mauthausen. Il y reçut le n° matricule 37 767. Le 1er janvier 1945, il fut affecté comme charpentier au camp annexe de Gusen. Il décéda le 30 janvier 1945 dans l’annexe II de Gusen et son corps fut incinéré à Gusen I.

Le titre de « déporté politique » lui fut attribué le 20 novembre 1956 et la mention « Mort pour la France » le 4 juillet 1960. Par arrêté du 24 avril 1992, la mention « Mort en déportation » lui fut attribuée. Son nom est apposé sur le monument aux morts de Champigneulles. 

 

Jean-Claude Magrinelli, écrivain, chercheur au CRIDOR (Centre Régional et International de Documentation et de Recherche) et conférencier. 

 

Sources :

AN (Pierrefitte) F9 5578 : « Liste des exécutions en France du 1er novembre 1940 au 15 août 1944 », bobine 1, p. 117

Service Historique de la Défense (SHD) à Caen : Dossier n° 21 P 453 370 ;

Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : 6 M 33-272 : Recensement 1901 commune de Jarville ; 6 M 33-114 : Recensements 1906, 1911, 1926, 1931 et  1936 commune de Champigneulles ; WM 330 : Dossier préfectoral d’internement administratif ; 927 W 165, 192, 201 : Registres de contrôle et répertoires du camp d’Écrouves, 927 W 223 : Dossier individuel René Gangloff ; WM 313 et 2101 W 10 : Dossiers du SRPJ à Nancy (groupe Marcel Simon) ; 3 U 3 1261 : Jugement n° 2359 du 18 décembre1931;

Livre mémorial de la déportation, transport de Paris du 11 octobre 1943 ;

Arolsen Archives : 1318734 : Livre de décès et 1450818 : Fiche de décès à Gusen ;

Journal Officiel du 19 juin 1992, p. 8021 ;

Photographie et correspondance de Monsieur Jean-Pierre Ottavi des 26, 27 et 31 décembre 2021, 4 et 5 janvier 2022, 25 et 26 janvier 2022, 14 août 2022.

Emplacement dans la pièce des noms