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Auguste Magnin 1920 - 1945 Traiter les données

Né(e) 8.11.1920 à Pont-lès-Moulins
Décédé(e) 10.1.1945 à Melk

Biographie

Les fusillés de la prison de Besançon

C’est le 19 mai 1944 que sont fusillés au sein de la prison de Besançon, communément appelée prison de la Butte (aujourd’hui Maison d’Arrêt) huit jeunes hommes (d’une moyenne d’âge 22 ans) après un procès expédié à la hâte sous la présidence du directeur de l’établissement alors à la solde de la Gestapo. Le chef d’accusation étant : « coupable de meurtre, de tentatives de meurtres ou d’assassinats au moyen d’armes et d’explosifs pour faciliter une activité terroriste », la sentence : la mort. 

Craignant une intervention extérieure en vue du sauvetage des condamnés, décision est prise de ne pas sortir les prisonniers de l’enceinte carcérale et de les fusiller sur place (les détenus de la prison étant habituellement exécutés dans l’enceinte de la Citadelle). C’est en petit groupe que les hommes seront tués sous les yeux des suivants, le dernier étant assis sur une chaise lors de son exécution (son genou ayant été brisé sous la torture) en criant « Quel bonheur d’en finir ! ». Nous vous présentons ici en quelques mots ces hommes :

-JEAN ANTONIETTI, 30 ans, chauffeur. Résistant FTPF (=Francs-Tireurs et Partisans Français) appartenant au maquis du Friolais (vers Maîche) depuis janvier 1943. C’est lors de l’attaque de ce dernier (sur dénonciation) que le 19 février 1944 Jean est blessé et fait prisonnier. Incarcéré dans un premier temps à la prison de Belfort (du 19 au 24 février 1944), puis à celle de Montbéliard (du 24 février au 12 mai 1944) ; il est transféré à celle de la Butte en dernier lieu. Ces derniers mots seront : « Paix aux âmes de bonne volonté et dans mon propre exemple et dans celui de millions d’autres croyants ». Jean Antonietti laisse dans la peine une jeune veuve et un fils. 

-GEORGES BERTHOLINO, 20 ans, employé à la SNCF. Résistant appartenant au maquis de Foncegrive (situé en Côte d’Or). A la fin de l’année 1943, il échappe de peu à la capture d’une partie de son ancien réseau (15 maquisards seront fusillés). Georges est fait prisonnier le 21 avril 1944 alors que la police française avait encerclé la maison de chasse abritant le réseau. Incarcéré dans un premier temps à la prison de Belfort, il est transféré à celle de la Butte par la suite.

-MAURICE BLAISE, 20 ans, cultivateur. Résistant appartenant au maquis de Montcoy (situé en Saône et Loire) depuis janvier 1944. Chargé de récupérer des tickets de rationnement dans le petit village de Saint Désert, Maurice est lâchement dénoncé par un habitant : les gendarmes français se lancent à sa poursuite, le blessent et finissent par l’arrêter en mars 1944. 

-JEAN DURAND, 20 ans, manouvrier. Réfractaire au STO (Service du Travail Obligatoire), il sera arrêté une première fois et s’évadera pour rejoindre l’Armée des Ombres. Résistant appartenant au maquis de Foncegrive (situé en Côte d’Or), Jean est blessé et arrêté le 21 avril 1944 (le même jour que Georges Bertholino, Robert Greusard et Gilbert Le Berrigaud). Ils sont transférés quelques jours plus tard à la prison de Besançon. 

-MARIUS GELEY, 20 ans, ouvrier/fondeur de profession. Résistant FTPF, Marius est arrêté lorsque son maquis est démantelé. Blessé à la jambe, il est le dernier fusillé. 

-ROBERT GREUSARD, 29 ans, employé à la SNCF. Ancien des Brigades Internationales de la Guerre d’Espagne (Brigades de combattants volontaires antifascistes venus du monde entier pour lutter aux côtés des républicains lors de la guerre d’Espagne entre 1936 et 1938), Résistant appartenant au maquis de Foncegrive (situé en Côte d’Or). 

-GILBERT LE BERRIGAUD, 20 ans, employé à la SNCF. Résistant appartenant au maquis de Foncegrive, Gilbert est arrêté le 21 avril 1944 par la police française en même temps que neuf autres maquisards. Ces derniers mots seront « On n’a pas pu vaincre, mais on sait mourir ». 

-LUCIEN VANNIER, 18 ans, ouvrier de profession. Très jeune adhérent au FUJP (=Front Uni des Jeunes Patriotes), ce dernier mouvement sera fondu dans les FTP (=Francs-Tireurs et Partisans). Echappant de peu à une première arrestation, Lucien est arrêté en février 1944 et transféré à la prison de la Butte le 13 mai 1944 en même temps que d’autres camarades. Alors que ces derniers seront déportés vers le camp de concentration Dachau, en Allemagne (c’est le plus ancien camp de concentration mis en œuvre par le régime nazi dès 1933) ; Lucien sera fusillé à Besançon.

Au terme de cette justice expéditive, ordre est donné de ne pas redonner les corps aux familles. Les dépouilles seront transportées en toute hâte au cimetière de Saint Claude et enterrées sommairement sans messe ni témoins. Certains corps seront relevés après-guerre et réinhumés dans des sépultures familiales ou individuelles.   

Mais l’Histoire retient également le nom d’un neuvième jeune homme Mort pour la France. C’est le parcours trop souvent méconnu de cet homme courageux que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui.

 

Le courage d’Auguste

Un homme s’est cependant opposé à cette injustice pour ces exécutions sommaires de Résistants épris de liberté dans un pays alors sous le joug nazi. Son grand malheur fut de le dire à voix haute : c’est sur cette révolte qu’Auguste Magnin, jeune homme de 23 ans se voit immédiatement arrêté et emprisonné au même titre que la centaine de prisonniers retenus dans les geôles bisontines. Ce jour-là, Auguste signait son tragique destin. 

Auguste était né le 8 novembre 1920 à Pont les Moulins dans le foyer de Marie (née Chabod 1888-1936) et d’Auguste Magnin (1881-1951), jeunes cultivateurs au village. Auguste père complète son activité en fabriquant des sabots. Le petit Auguste et son jumeau Emile (qui mourra à l’âge de 8 mois) sont accompagnés dans leurs jeux enfantins par une grande sœur Madeleine (née en 1915). Les enfants grandissent dans ce foyer où la valeur courage est essentielle. 

En effet, c’est le 2 août 1914 qu’Auguste père est projeté, malgré lui, dans la Première Guerre Mondiale. Affecté comme brancardier dans la 7ème SIM (Section des Infirmiers Militaires). Ces sections médicales avaient pour but de fournir des personnels soignants pendant la guerre. Après une petite période de formation aux écritures (tenue des registres, bon de prescriptions…), à la petite chirurgie et à l’hygiène ; Auguste père  traverse la guerre en portant secours aux combattants blessés au Champ d’Honneur. Malheureusement, le 3 septembre 1916 il est gravement blessé en effectuant son travail de brancardier sur le front dans le secteur de Montdidier (dans la Somme) : un éclat de shrapnel (=obus qui éclate en envoyant de multiples projectiles, appelé communément « obus à balles ») lui abîme gravement le pied gauche, le mollet ainsi que la cuisse : hospitalisé trois longs mois à l’hôpital mixte de Tarbes (dans le Sud-Ouest de la France), Auguste restera dans la zone arrière jusque fin juillet 1917 avant de réintégrer une nouvelle fois sa section jusqu’à la fin de la guerre. Décoré de la Croix de Guerre, il retrouvera son village en décembre 1919 et recevra une petite pension de l’Armée.

La vie reprendra son cours jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale. Nous ne connaissons que peu de détails sur la vie de la famille pendant les premières années du conflit, mais nous notons qu’en octobre 1943 Auguste intègre les locaux de la prison de la Butte à Besançon comme jeune surveillant auxiliaire. C’est suite à sa contestation concernant les 8 fusillés de la prison qu’Auguste sera officiellement licencié en juillet 1944. Après sa période de détention, c’est le 2 septembre 1944 qu’un convoi au départ de Besançon comportant 61 hommes dont 59 Français part pour une destination inconnue.

Après deux longues journées en train, quasiment sans eau ni pain, le convoi arrive le 4 septembre à Dachau, à une quinzaine de kilomètres de Munich en Allemagne (des 61 hommes de ce convoi, 41 mourront en déportation).

A son arrivée, Auguste est immatriculé sous le numéro 100 581. Après une dizaine de jours dans ce camp, c’est le départ le 14 septembre en direction du camp de Mauthausen, à une vingtaine de kilomètres de Linz en Autriche. De ce camp de concentration dépendent plus d’une cinquantaine de camps annexes (ou camps satellites) abritant des Kommandos de travail (=unités de travaux forcés qui dépendent du camp principal) qui fabriquent des munitions, assemblent des pièces pour l’aviation allemande et de l’armement. Plus d’une quarantaine de nationalités s’y côtoient. Le jeune homme est affecté à celui de Melk (le plus grand des camps satellites de Mauthausen) et reçoit une nouvelle immatriculation : le numéro 98 577. C’est dans ce terrible camp annexe qu’Auguste est affecté à la construction des tunnels dans les montagnes friables de quartz dans lesquels d’innombrables prisonniers trouveront la mort ensevelis sous les décombres. Ces derniers fournissent une main d’œuvre considérable et gratuite à la firme GmbH (=équivalent d’une SARL en France) Quarz, filiale de Steyr. Ces tunnels servent à abriter une usine souterraine de 65 000 mètres carrés qui servira à la production de roulements à billes. Les prisonniers issus de toutes les nationalités travaillent en 2 équipes de 12 heures sous le Commandement de l’Obersturmbannführer (= un Lieutenant-Colonel dans l’Armée Française) Julius Ludolf (né en 1893, il sera condamné à mort en 1946 pour ses exactions dans le camp de Mauthausen et exécuté à la prison de Landsberg, Allemagne, en 1947) qui dirige son camp sous une main de fer à la vue d’une grosse garnison de la Wehrmacht toute proche et des habitants de Melk côtoyant de très près les environs du camp.

Le soir, les prisonniers éreintés rentrent à la caserne dite de Birago : dans cette dernière, les SS sont logés dans des bâtiments en dur et les prisonniers dans les garages et autres baraquements extérieurs. Les repas ne sont faits que de soupes de feuilles de betterave et d’un quignon d’environ 250 gramme de pain par jour, les hommes meurent de faim.

En moins d’une année (à partir d’avril 1944), seront creusés sept tunnels de 8 mètres de haut, 25 mètres de large et d’une longueur totale de plus de 3 000 mètres : les machines déjà installées ne serviront jamais à la production des roulements (le cours de la guerre et l’avancée des Alliés en décideront autrement). Melk disposait également d’un four crématoire ainsi que de chambres à gaz très perfectionnées ; si la guerre s’était prolongée, Melk serait devenu non plus un camp de concentration mais un camp d’extermination. 

C’est au terme de 4 mois de travail esclavagiste qu’Auguste rendra son dernier soupir le 10 janvier 1945 à 3h45 du matin des suites d’une pneumonie (cause du décès établie par le camp de Mauthausen), et ne connaîtra pas la libération du camp de Melk quelques mois plus tard le 15 avril. Comme des milliers d’autres, Auguste disparaîtra dans les ténèbres des camps de concentration. Les gardes SS, en fuite, laisseront derrière eux dans un état d’hygiène et de famine terribles, 14 000 prisonniers...Le nombre de victimes totale du Kommando de Melk est inconnue à ce jour, mais un dernier chiffrage avance 10 000 victimes (sans comptabiliser les victimes des tunnels) … Du camp de Melk, ne subsiste aujourd’hui plus que le four crématoire qui accueille un mémorial.

On peut noter que le camp de Mauthausen (qui deviendra à partir de 1940 Mauthausen Gusen) est le seul du régime nazi à être classé comme « camp de niveau III ». Cette dernière dénomination s’explique par le fait que les internés ne devaient pas revenir de leur internement : les rations alimentaires étaient les pires du système concentrationnaire nazi, le labeur physique était fait pour affaiblir rapidement les hommes. On estime aujourd’hui que le taux de mortalité à Melk était de 45%.  

Le nom d’Auguste Magnin est inscrit sur le Monument aux Morts de Pont les Moulins et sur le mémorial de Chapelle des Buis. 

 

Julie Journot, Association Mémoire de Nos Pères

 

Sources :

ADD côtes 1438 W 26 et 1438 W 27,

Recensement de population de Pont les Moulins 1936,

ADD côte 1 R 248,  

Amicale de Mauthausen, article Jean Louis Joliot,

SHD Caen, cote AC 21 P 511 086, 

SHD Vincennes, cote GR 16 P 383435

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